Nous sommes les parents de Léa,
née le 14 mars 2001.
Elle présentait avant la naissance une
transposition des gros vaisseaux.
Nous habitons Mazé,
à coté d'Angers, dans le Maine et Loire et voici notre histoire.
30 juin 2000, la grande nouvelle :
Après 2 ans
d'attente et un traitement hormonal de 3 mois, nous apprenons que je suis
enceinte!
Les 3 premiers mois de grossesse sont ceux de toute femme
enceinte, nausées, envies bizarres (camembert – radis à 16h)...
Fin août, 1ère échographie, et la joie de voir
notre futur bébé en images. C'est vrai, on dirait un petit haricot, mais le
cœur bat déjà. C'est très émouvant et tellement surprenant! Le début de
grossesse est estimé au 10 juin, et l' accouchement prévu le 10 mars 2001.
Le compte rendu de l' échographie est positif, bébé se développe bien, rien à
signaler.
En reprenant ce compte rendu,
début 2005, je me suis rendu compte d'une ligne que je n'avais jamais vu
auparavant :"croisement des gros vaisseaux".
La transposition
avait donc déjà été repérée, grâce au doppler, dès 12 SA.,
mais
un complément à l' écho suivante était nécessaire, c'est pour ça que
l' échographiste ne nous avait rien dit à la 1ère écho.
La suite de la grossesse se passe merveilleusement
bien, à part les prises de sang mensuelles pour la toxoplasmose. Nous
attendons avec impatience la 2è échographie pour revoir notre bébé en plus
gros.
Le diagnostic :
Fin octobre, à 22 semaines de grossesse, nous
nous rendons tout excités et impatients(surtout vessie pleine...) à la 2ème
échographie.
Nous avons d’abord appris, avec bonheur,
que nous attendions une fille (nous voulions savoir) puis se sont écoulées
40 longues minutes d'examen soldées par ces paroles :
"Votre enfant se développe parfaitement bien mais, ...
elle semble avoir une malformation cardiaque : une transposition des gros vaisseaux (TGV), mais elle semble simple (pas d'autre
malformation associée)".
J'ai tout de suite
compris que c'était grave, mais sans savoir si elle pourrait vivre ou non.
l' échographiste nous a succinctement expliqué à quoi correspondait une
TGV :
interversion des artères aorte et pulmonaire à leur
branchement sur le cœur et donc le sang qui ne s'oxygène pas car il tourne
en circuit fermé.
Qu’allait-il arriver maintenant?
Deux opérations
seraient nécessaires dès la naissance :
une atrioseptostomie de
Rashkind
un switch (cure
complète).
La première intervention (
atrioseptostomie de Rashkind) permet de recréer à l' aide d'un
ballonnet, une communication entre les 2 oreillettes du cœur, pour
que le sang oxygéné puisse passer du bon côté du cœur et que l' enfant
vive.
Cette opération d'urgence ne se
pratique pas à Angers mais à Nantes ou Tours, c'est à dire à 100 km de chez
nous.
La seconde ( switch ) permet
de remettre à leur place les artères aorte et pulmonaire, ainsi que
les artères coronaires qui irriguent le cœur. Cette opération curative ne se
pratique que dans de grands centres comme Paris, Bordeaux, Lyon,
Marseille... en général, dans la semaine qui suit la naissance.
En conséquence, si j'accouchais à Angers, notre
fille me serait enlevée dès la naissance et transférée dans l' un de ces
centres.
Une semaine après l' échographie,
j'ai revu la gynécologue qui me suivait pendant ma grossesse. Elle m' a
prescrit une amniocentèse pour vérifier que cette malformation cardiaque
n’était pas d’origine génétique (trisomie, chromosome manquant...) et me
présenta les possibilités qui "s'offraient" à nous, pour gérer au mieux les
futures opérations de notre fille.
L
'accouchement devrait être déclenché pour que l' équipe médicale soit
prête à l' arrivée du bébé. Notre fille pourrait être opérée à l' hôpital
Necker ou au centre chirurgical Marie Lannelongue (CCML). Mais
comme je voulais absolument rester auprès de ma fille, il fallait que
j'accouche sur Paris. Or seul l' hôpital Necker a une maternité. Nous avons
donc décidé que j'accoucherai à Necker et que Léa (on avais enfin choisi son
prénom) serait opérée là-bas.
Les jours
passent, et fin novembre, le résultat de l' amniocentèse arrive...
Tout est normal, le caryotype ne
présente pas d'erreur.
Ouf! Nous sommes
soulagés, car nous avions déjà réfléchi sur la décision à prendre en cas
d'annonce d'une trisomie.
Le choix n'est
pas facile, et pour avoir eu à y penser, on se rend compte que l' on ne peut
pas juger les parents qui ont pris la décision effective de garder ou non
leur enfant. Personnellement, c'était notre premier enfant et nous ne nous
voyions pas élever un enfant atteint de handicaps lourds et devant être
dépendant de nous toute sa vie. Donc, heureusement
nous n'avons pas eu à exécuter ce choix et c'est tant mieux.
A Paris,...
Décembre arrive et le rendez-vous du 7è mois
avec.
Pour commencer à mettre en place les contrôles nécessaires à
l' organisation de la naissance de Léa, je monte à Necker, pour ce rendez-
vous et aussi pour faire une écho cardiaque à l' institut de la puériculture.
Tout va bien, mais mon col commence à bouger, le gynécologue parisien me
conseille du repos, et me propose si c'est possible de revenir à Paris fin
janvier pour le rendez-vous du 8è mois et d'y rester jusqu'à
l' accouchement.
Ça impose que je sois logée
sur place. Heureusement, mes grands parents ont un petit studio dans le 20è
arrondissement. Nation - Necker : 40 minutes de métro, mais l' avantage c'est
que les stations sont proches de l' hôpital et de l' appartement.
La
décision est prise, mon mari prend un congé sans solde de 1 mois en plus de
ses 10 derniers jours de congés payés et nous voilà partis pour 1 mois ½ de
vie parisienne. Autant dire qu'en plein mois de février, ce n'est pas le
top, surtout dans un appart de 25 m² où on ne connaît personne. Mais nous
sommes ensembles et c'est l' essentiel.
Au
rendez-vous du 8è mois, le col s'est encore raccourci, mais on est loin du
terme. Le prochain RV, pour le 9è mois, aura donc lieu fin février pour
déclencher l' accouchement (en tout cas, c'est ce que nous avions
compris).
Le jour J...ou presque :
Arrive enfin le RV du 9è mois. Nous
débarquons à Necker avec nos valises. Tout va toujours bien, le col est mou
mais pas assez pour déclencher l' accouchement. RV est donc pris dans 1
semaine pour voir si ça évolue.
8 jours plus tard, on
revient, à Necker, mais sans les valises, on ne sait jamais...Et
effectivement, tout va toujours bien, mais pas de déclenchement prévu,
revenez dans 48 heures, nous dit-on encore, ce sera le 10 mars, jour du
terme, il y a des chances pour que ce soit le bon moment.
2 jours après, encore et toujours rien, Léa est bien
au chaud et ne veut toujours pas montrer son nez. Mais le temps nous semble
de plus en plus long, le terme est dépassé et 3 jours plus tard, nouveau
rendez-vous sans changement aucun. Je commence à en avoir ras le bol des
aller-retour en métro, toujours bondés aux heures de nos rendez-vous (à
croire qu'ils le faisaient exprès!), je demande donc au gynécologue qu'il me
garde pour la nuit, je ne veux pas retourner à l' appartement.
Le 13 mars, je dors donc à la maternité, et
le 14 au matin, les premières contractions commencent à se faire sentir, la
perf est posée à 9h et la péridurale à 11h.
Tout va bien, je fatigue un
peu, mais c'est normal.
A 18h 30 tout s'accélère, on m'installe les
étriers, on me demande de pousser, puis STOP, je ne dois plus pousser, Léa
est en souffrance, il faut la sortir aux forceps.
A partir de là, je ne me souviens plus trop,
jusqu'au moment où on me la pose sur le ventre.
Elle est belle, et potelée. On reste 2 minutes
comme ça, puis elle est emmenée pour le nettoyage, la pesée, les examens de
routine et une écho cardiaque.
Mon mari la
suit, et prend des photos au polaroid, pour que je puisse les voir de
suite.
Quelques temps après (je ne
saurais dire combien), tout le monde revient en salle d'accouchement, Léa
est en couveuse pour qu'elle n'ait pas froid, elle pèse 3kg 760 et mesure 53
cm. l' échographie est positive, les connexions entre les 2 ventricules
(canal artériel et foramen ovale) lui permettant de s'oxygéner ne sont pas
fermées, elle n'a donc pas besoin du Rashkind. On reste ensemble un bon
quart d'heure, puis elle est transférée en cardiopédiatrie. Mon mari la
suit, dans les couloirs souterrains de Necker, et reste quelques temps avec
elle, le temps que je remonte dans ma chambre.
Pendant le temps où
elle a été hospitalisé, je n'ai pu dormir à ses côtés, mais je pouvais aller
la voir tous les jours sans limite de temps et donc l' allaiter une partie de
la journée.
Le reste du temps je tirais mon
lait (seuls le père et la mère de l’enfant sont autorisés à le voir durant
toute l’hospitalisation car aucune autre personne de la famille n’est
admise).
Ça me permettait aussi de la
changer, et de la baigner.
Léa fut gardée 6 jours
sous surveillance en cardiopédiatrie, simplement "branchée" à 3 électrodes
(pour le pouls, la tension et la saturation en oxygène) et une perfusion de
glucose.
l' opération :
L' opération du switch est programmée pour
le 20 mars.
Le 19 mars je sors de la maternité
et peux bénéficier d’un accueil à la maison des parents Saint Jean, au sein
même de l’hôpital Necker.
Ce même jour,
notre fille est transférée en réanimation cardiaque.
Son état général était très bon, mais cela permet
aux infirmières de préparer les enfants pour l' opération du lendemain. Les
parents sont invités à venir, pour eux aussi, "s'imprégner" de l' ambiance du
service de réanimation.
C'est un endroit
très dur, nous voyons d'autres enfants, petits et grands, "branchés" à de
nombreux tuyaux et instruments de mesure. Ça "beep" à longueur de temps et
il y fait très chaud et sombre (c'est le souvenir que j'en ai, mais à la
télévision, ça paraît beaucoup plus éclairé).
Le "tableau" n'est pas très gai, mais je pense
qu'il est important de le vivre pour appréhender le moment où notre enfant
aura subi son opération.
La veille, une
infirmière de réanimation, me dit que je peux venir le lendemain matin, jour
de l' opération, voir ma fille, vers 7 heures, car elle sera opérée vers 9
heures. Je lui réponds que je ne sais pas si je serai là, car je suis très
fatiguée, et j'ai du mal à me lever si tôt. Mais elle insiste, me dit que
même si tout se passe souvent très bien, il y a des fois où ça ne va pas et
que dans ce cas, ce serait l' occasion de lui dire au revoir et de la revoir
avant l' entré au bloc.
Je rentre donc à la
maison des parents avec ces paroles qui résonnent dans ma tête. J'appelle ma
famille, pour dire que tout va bien pour Léa, et je craque. Moi, jusque là
si positive et forte, remontant le moral de la famille, je viens de me
rendre compte où j'étais. La bulle créée par les médecins très compétents
qui nous ont soutenus et suivis durant les derniers mois de la grossesse,
vient d'éclater et je tombe de haut.
Heureusement, le fait d’être hébergée à la maison
des parents m’a permis de partager mes inquiétudes avec des parents qui
vivaient des situations similaires et d’extérioriser mes angoisses, ça m’a
beaucoup aidée à supporter ces moments, cette soirée si noire tout à
coup.
Entendant mon angoisse soudaine, mon
père décide de prendre une journée de congé et saute dans le premier train
pour venir me rejoindre, afin que je ne sois pas toute seule pendant
l' opération. En effet, faute de congés, mon mari a du rentrer à Angers pour
reprendre son travail 2 jours après mon accouchement.
Léa est donc opérée le 20 mars à 9h00.
L'intervention dure 4h30. C'est une opération à
cœur ouvert, c'est à dire que pendant le temps où le chirurgien remet
en place les artères, c'est une "machine" (CEC) qui prend le relais du
cœur.
On nous avait prévenus, que si notre
fille supportait mal ce "court-circuitage" (apparitions d'hémorragies)
pendant l' opération, ils ne pourraient pas la recoudre tout de suite, et
elle devrait rester le thorax ouvert quelques jours.
Elle serait
recousue ensuite, après résorption des hémorragies. Heureusement, tout se
passe très bien. Elle sort du bloc opératoire à 13h30 et j'ai les
premières nouvelles, par téléphone à 14h00.
A l' hôpital Necker, Nous ne pouvons voir les
enfants opérés que le lendemain à 15h00. Je ne la revois donc que le 21 mars
à 15h00. En général, C'est le temps qu'il faut pour que l' enfant respire
tout seul et recommence à s'alimenter. Cela permet aussi aux infirmières de
lui enlever le maximum de tuyaux et aux parents de le voir dans de
meilleures dispositions. l' angoisse éprouvée à l' arrivée en réanimation
n'est plus alors qu'un mauvais souvenir.
Les suites opératoires :
Au bout de 48 heures, Léa est transférée en soins intensifs de cardiologie, puis 2 jours plus tard, revient en cardiopédiatrie. Son état est excellent, elle mange bien, reprend du poids (elle avait perdu 500 g avec l' opération).
elle ne bouge
pas beaucoup, mais ne semble pas souffrir de sa cicatrice.
Je peux lui redonner le bain et lui faire les soins
de la cicatrice .
L' autorisation nous
est bientôt donnée
de rentrer chez nous.
Pendant ce temps, je suis toujours logée à la
maison des parents, où mon mari vient me rejoindre pour le week-
end.
Le retour à la maison :
Et c'est ainsi que le vendredi 30 mars à
10 heures, j'apprends que Léa peut sortir de l' hôpital. Aussitôt j'appelle
mon mari, et lui demande de venir nous rejoindre dès que possible.
Maintenant que je sais que nous pouvons partir, j'ai une réaction de rejet
terrible de l' hôpital, je n'ai qu'une envie, en partir, mettre des centaines
de kilomètres entre lui et moi.
Mon mari arrive donc dans l' après-
midi à Necker, après 3h30 de route, et 4 heures plus tard, 10 jours après
l' opération de Léa, nous rentrons à la maison!
Maintenant :
Depuis sa sortie de l' hôpital, Léa se développe
très bien, sa cicatrice s'estompe rapidement, à 9 mois, on ne la voit qu'en
regardant de très près.
Léa a grandi, elle a 4 ans, va à l' école
depuis 2 ans et s'éclate tous les jours.
Elle croque la vie à pleine dents, n'a aucune
restriction physique et son suivi consiste annuellement en une échographie
cardiaque et un électrocardiogramme au CHU d'Angers.
Pour ses 5 ans nous retournerons sûrement à Necker,
pour un contrôle plus poussé.
Il y a 2 ans,
Léa a eu une petite sœur, Manon, qu'elle adore, et qui n'avait aucune
malformation cardiaque.
Nous avons vécu une expérience difficile, mais le
personnel hospitalier est tellement sympathique et à l' écoute des parents,
et les chirurgiens font un travail si minutieux et merveilleux que tout ceci
n'est plus, pour nous, qu'un lointain souvenir.
Pour preuve, cette photo prise en 2005,
d’une petite fille en parfaite santé.
Si vous vivez
une situation similaire, n'hésitez pas à nous contacter pour en
parler.
Bon courage.
Agnès et Loïc, LES PARENTS
HEUREUX, de Léa et Manon
Texte de Agnes Graphismes & mise en page DAUMAL © christian
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