« Un homme en blanc Dans la lumière Enfile ses gants Et l’infirmière Qui éponge ton front comme un mère Tiens ta main en disant une prière Le docteur, le docteur aux doigts de fée Fais de toi, fais de toi un nouveau né Mais ce cœur, mais ce cœur qui t’est donné Il faudra à chaque heure le mériter Oh je sens mon cœur qui bat Oh je sens mon cœur qui bat Pour une nouvelle vie Mon cœur qui bat Mon cœur qui bat Mon cœur … qui vous dit : " MERCI" » © Cœur qui bat, INDIGO, 2003 Encore une fois, un malaise va déclencher une nouvelle opération. Je suis au collège, en 4ème. Ce jour là, il y a un problème de salle : nous montons au deuxième étage à la recherche d’une salle pour notre cours. N’en trouvons pas, nous redescendons au rez-de-chaussée pour aller au CDI, comme il n’est pas libre, nous remontons… Ces divers aller-retour dans les escaliers, en essayant de suivre les autres élèves, me rendent malade. On m’emmène à l’infirmerie. Lors de ma consultation suivante à Laënnec, le docteur Thibert et le professeur Leca m’annoncent que je vais être opérée à cœur ouvert : dérivation complète des veines caves supérieures et inférieures vers l’artère pulmonaire (intervention de Puga). C’est une opération qui est pratiquée depuis quelque temps déjà, mais elles ont préféré attendre d’être plus sûres des résultats pour me la proposer. © infirmière Je leur fais confiance, allons-y ! Sur mon compte rendu opératoire, il est mentionné : « ventricule droit à double issue, communications interventriculaires multiples, vaisseaux transposés, sténose pulmonaire ». C’est la seule fois où je vois que j’ai les vaisseaux transposés : est-ce que cela n’avait pas été diagnostiqué avant ? Quelque temps avant, on me fait un cathétérisme pour vérifier les pressions. A mon réveil, j’ai très faim et j’engouffre mon repas avec appétit, ce qui étonne tout le monde ! Pour mon séjour à l’hôpital, Maman m’a cousu trois jolis pyjamas qui s’ouvrent sur le devant ; ce sera plus facile pour soigner ma cicatrice. Le 14 mai 1991, c’est le grand jour. La veille, je prends une douche à la bétadine, puis on me rase tout le corps (sauf les cheveux). Je suis éveillée jusque mon arrivée au bloc, bien qu’un peu assommée par les médicaments. Carte du Mécénat, dessin de Noëlle Herrenschmidt " C'était un chirurgien, V'ec de l'amour tout plein, Laënnec ou Necker, Hopitaux parisiens Oeuvre avec minutie, bleu à rose, nous guérit Elle voulait redonner des couleurs à nos vies Elle y mettait du temps, du talent et du coeur, Ainsi passait sa vie à réparer nos coeurs Et loin des beaux discours, des grandes théories à sa tache chaque jour, Entre couture et plomberie, Elle changeait la vie ! " Lorsque je me réveille, je suis en salle de réanimation. J’ai 4 drains, une perfusion, une sonde urinaire, un tube dans le nez, une sorte de pince à linge sur le pouce pour prendre ma saturation et un gros pansement sur le torse. Tout cela n’est pas très agréable, je ne peux pas bouger. De toute façon, j’en ai pas vraiment envie, je n’ai pas mal pour le moment, je suis encore un peu dans les vap’s. Le professeur Leca vient me rendre visite : elle me fait remarquer que mes ongles et mes lèvres sont roses. Je lui souris, sachant tout l’espoir qu’il y a derrière. Elle a redonné des couleurs à ma vie : MILLE MERCIS ! ! Mes parents aussi viennent me voir. Ils ont des blouses et des chausses. Ils ne restent pas longtemps, mais leur présence me fait énormément plaisir. Ils me tiennent la main, mais on parle peu. Je suis encore fatiguée et je passe une grande partie des premiers jours à dormir. Le matin, c’est le moment des soins : très vite, je suis extubée et on m’enlève aussi la sonde urinaire ; pour les drains il faudra attendre encore un peu… Une infirmière me fait ma toilette et change mon pansement. Elle me fait aussi une jolie coiffure tressée, ça me plait beaucoup. L’appareil de radio se déplace jusqu’en réa. On s’aperçoit rapidement que j’ai les poumons encombrés : alors j’ai des séances de kiné. Gaston vient me voir tous les matins pour les nettoyer : il introduit un tube par le nez et aspire toutes les cochonneries qui se trouvent dans mes poumons. Ça, c’est horrible, le tube qui descend dans le nez et dans la gorge me gène beaucoup, ça me fait tousser et pleurer… mais je suis courageuse et je me bat. Heureusement que Gaston est sympa et drôle ! Ça aide dans de pareilles circonstances… Un jour, on m’enlève deux drains, et le surlendemain les deux autres. Je commence à m’asseoir, puis petit à petit je me lève pour aller aux toilettes, pour faire quelque pas dans le couloir. Bien sûr, mes progrès ne sont pas constants : il y a des jours où je suis fatiguée, j’ai moins le moral, je ne me lève pas ou peu, où je n’ai pas d’appétit… c’est dur d’être forte et de se battre tous les jours. Pourtant au bout de quelques jours, je marche de ma chambre jusqu’à l’entrée de la réa, tenant à la main ma perfusion. Enfin, je sors de réanimation, j’y suis restée une semaine. Le matin, j’ai encore des soins, mais cette fois il faut me déplacer : un infirmier m’emmène en salle de radiologie. Je vais aussi voir un phoniatre : le nerf de ma corde vocale gauche, qui passe près du cœur a été touché pendant l’opération et ne fonctionne plus : ma voix plus faible qu’avant et moins nette ! L’après-midi, Maman vient me voir, Papa aussi, le soir. Mon oncle, ma tante et mes cousins qui ne vont pas encore à l’école, sont venus habiter chez nous pour s’occuper de mes frères et sœur. Ainsi, Maman et Papa peuvent venir me voir le plus possible. J’ai beaucoup de chance. Je reçois beaucoup de courriers de soutien et d’encouragement de la famille, de mes copains de classe, de mes professeurs. On m’offre pleins de peluches et de livres. Ça fait du bien de savoir que beaucoup de gens pensent à moi ! Petit mot de ma maman Quand Maman est là, je joue avec elle aux dames chinoises ou au scrabble, je dessine. Parfois aussi, je fais le sieste. On me propose qu’un enseignant vienne me donner des cours : je choisis de faire du latin ! Mais c’était un peu ambitieux, je n’ai eu qu’un cours. Mes frères et sœur ne sont pas autorisés à venir me voir dans ma chambre, mais on a pu organiser une petite visite dans le jardin de l’hôpital. On s’est retrouvé l’espace d’une après-midi, pour discuter et jouer. Petit à petit, je récupère, je reprends des forces. On m’enlève les fils de ma cicatrice. J’ai plein de médicaments : il y a des jours où c’est très dur, je n’ai pas envie de les prendre, mais il le faut… Je sors de l’hôpital début juin et je rentre à la maison en ambulance. Mais je ne retourne pas au collège, seulement une fois pour donner de mes nouvelles. Il faut encore que je me repose à la maison. J’ai un traitement anticoagulant, la dose de médicaments est doit être adaptée tous les jours en fonction du taux de prothrombine (facteur de coagulation du sang). Depuis ma sortie de l’hôpital et même pendant nos vacances en Bretagne, je dois faire une prise de sang pour savoir quelle dose je dois prendre. Maman note tous les résultats dans un petit carnet que je garde sur moi dans un petit sac. Sur un manége A la rentrée en septembre, je reprends une vie normale. Je rentre en 3ème. Je n’ai plus besoin de faire des prises de sang, mon taux de prothrombine est stabilisé, mais je dois encore prendre des anti-coagulants. La dose est diminuée petit à petit, puis au bout de quelques mois, j’ai juste un léger traitement d’Aspégic, pour garder mon sang fluide. Je vais en consultation régulièrement avec le docteur Thibert pour vérifier que tout va bien, mais ces rendez-vous s’espacent de plus en plus. Durant l’hiver suivant, j’ai eu mal au ventre pendant plusieurs jours. Crise d’appendicite, croyait-on au début, mais non. J’ai passé quelques jours à Necker, on a fait plusieurs examens, mais personne n’a compris pourquoi j’étais mal ; du point de vue clinique tout allait bien ! C’était peut-être en partie psychologique, ce n’est pas facile de prendre confiance en soi, de se forger une personnalité… Durant les vacances de Pâques, nous partons en Auvergne avec des amis. Nous faisons de nombreuses balades. Un jour, tous mes efforts pour développer mes capacités physiques, pour vivre avec ces nouvelles capacités que m’offre mon cœur réparé, sont récompensés. Une grande réussite, la première d’une longue série, non pas l’exploit olympique d’un grand champion, mais ma victoire : tout en haut du Puits de Dôme, je lève les deux bras vers le ciel ! Victoire... Lors de la consultation suivante, je demande au docteur Thibert si je peux aller aux scouts. Elle me donne l’autorisation. Je suis ravie ! Le samedi suivant, je suis mon frère et je vais à la réunion pionnier ( branche 14 – 18 ans des Scouts de France). Maman n’est pas contente de ne pas savoir où j’étais. Je ne pourrais pas aller au camp cet été, je connais peu les autres pionniers et je n’ai rien préparé avec eux, mais je suis contente de ce premier contact. Durant toute l’année suivante, je peux participer à toutes les activités. L’été, je pars en camp. Nous faisons un camp en Belgique, avec une grande partie itinérante à vélo. Moi, je n’ai pas assez d’endurance pour faire du vélo et suivre le groupe. Alors, je reste avec un chef dans la voiture, parfois avec un blessé. Nous faisons les courses le matin, et souvent l’après-midi je m’endors dans la voiture. Parfois je ne reste pas à la veillée. Même si je n’ai pas fais toutes les activités, je suis super contente de ce premier camp. Trois semaines dans la nature avec des amis, c’est génial ! L’année suivante, au lycée, nous accueillons pendant deux semaines des jeunes thèques qui apprennent le français. Puis l’été, je pars à Prague avec Aurélie. Nous logeons toutes les deux chez sa correspondante, la mienne n’étant pas là à ce moment. C’est la première fois que je prends l’avion. Une petite aventure : quinze jours à découvrir les charmes de cette ville. Prague, le Pont CHARLES En revenant de Prague, nous partons avec les pionniers dans le Beaujolais. Nous faisons un Caravan-show : nous avons préparé un spectacle (scénario, costumes et décors ) et nous allons le jouer à différents endroits. Pour se déplacer de villages en village, nous avons des roulottes, tirées par des chevaux. Dans les côtes, les chevaux ont parfois du mal à tirer. Pour les aider, nous descendons des roulottes et nous marchons à côté. Pour moi ce n’est pas toujours facile de marcher longtemps dans les côtes assez dures. Au lieu de monter tout droit, je fais volontairement des lacets sur la route pour que le pente soit moins rude, même si c’est plus long. Un pionnier, Loïc le remarque : « Elle est trop forte, elle marche plus que nous, c’est presque Rambo, on devrait l’appeler Rambette » Et comme, j’avais des fleurs attachées à mon foulard, « Rambette des fleurs » est née, je suis très fière de ce surnom, qui représente pour moi tous mes progrès, toutes mes réussites et mes petits exploits. Merci Loïc ! Je l’ai même brodé sur mon foulard. sur la roulotte Rambette des fleurs L’année suivante, nous partons dans le Doubs pour un camp itinérant en canoë. Comme je ne sais pas bien nager et qu’il est difficile de pagayer , je ne fais pas de canoë. Olivier, mon frère, étant chef, insiste auprès de mes parents pour que je puisse en faire au moins une journée, avec lui, et un moniteur en faisant très attention, sans faire les fous (car les autres s’amusent à se faire chavirer ou à passer les rapides à fond…) Je suis ravie. De plus cette année, pour le première fois je fais le raid d’équipe, entièrement (les autres années je ne faisais qu’un petit bout de chemin avec le reste de mon équipe, passant le reste du temps avec les chefs et ne retrouvant mon équipe que pour le nuit). Là, nous partons 2 jours, nous avons choisi un itinéraire relativement court, mais je ne porte pas de sac à dos, mes affaires sont réparties dans les sacs des copines. Après mes trois années aux pionniers, je passe aux compagnons (branche 18 – 21 ans des Scouts de France). Là, nous n’avons plus de chefs, c’est à nous d’organiser nos projets et c’est passionnant. Loïc, Guillaume, Virginie, Stéphanie, Julie, Aurélie et moi formons une super équipe. Tous les ans à Pâques, les compagnons de l’ouest de Paris se retrouvent pour trois jours de marche, de rencontre et de partage. Heureux de rencontrer d’autres compagnons, tous les groupes se mélangent, discutent tout en marchant. Très vite, bien que je sois partie dans les premiers, j’ai beaucoup de mal à suivre. Tout le monde me dépasse et je me retrouve seule derrière, c’est très dur pour le moral ! Bien sûr, ils m’attendent de temps en temps : mais en m’attendant ils ont eu largement le temps de se reposer et ils repartent quasiment quand j’arrive en me laissant à peine le temps de souffler. Quand les compagnons de notre ville prennent conscience du problème, ils sont désolés de m’avoir laissé tombé… et prennent une grande décision : ils forment un grand barrage et tête de la marche et me laisse marcher devant à mon rythme, on chante, on discute, et c’est promis personne ne passera ! L’entraide, c’est super important… merci à tous. Ce problème de rythme de marche est parfois encore d’actualité, avec des gens qui ne connaissent pas mon problème. La plupart du temps, il s’effectue implicitement un ajustement : je marche un peu plus vite que d’habitude, dans la limite de mes capacités, et les autres ralentissent un peu. Mais parfois, je ne peux vraiment pas suivre, je décroche rapidement du groupe… La première année, nous partons en Touraine faire de l’animation dans une maison de retraite, puis débroussailler et baliser en sentier de randonnée. Même si les outils sont un peu lourds pour moi, je participe activement au chantier.Pour tous nos déplacements nous utilisons nos vélos. J’arrive assez bien à suivre l’équipe, qui gentiment avance à mon rythme. Dans les côtes, c’est un peu plus dur. Si le cœur tiens bon, mes muscles ne sont pas assez entraînés pour appuyer sur les pédales… alors je marche à côté, mais souvent je ne suis pas la seule ! Pour la deuxième année, nous préparons un grand projet. Nous voulons partir en Argentine pour rencontrer des scouts argentins, découvrir un pays et une culture, rénover une école rurale dans les Andes, faire un échange de dessins des enfants de cette école et des enfants d’une école française. Le docteur Thibert m’autorise à partir, mais je ne pourrais pas monter trop en altitude. Nous sommes accueillis à Salta par des scouts argentins. Nous sommes dans le début de la cordillère des Andes, à 1200 m d’altitude. Ils nous font découvrir leur culture (visite de la ville, jeux et danses), leurs spécialités culinaires (le maté, la dulce de leche et les empanadas), la région. Nous faisons plusieurs excursions dans les environs : les montagnes sont magnifiques, majestueuses. Le village où se trouve l’école que nous allons rénover se trouve à plus de 2500 m d’altitude. C’est trop haut pour moi, alors je reste à Salta avec une ou deux personnes et les autres partent plâtrer, et repeindre les murs de la petite école, là-haut dans la montagne. Les enfants de l’école étaient très contents d’avoir une belle école. Ils ont fait des dessins pour les enfants français, en échange du petit cahier que les enfants français ont réalisé pour eux avec des dessins et des poèmes. Mes amis scouts ont joué au foot avec les enfants de l’école. Mais n’ayant pas l’habitude de courir à cette altitude, ils étaient rapidement beaucoup plus essoufflés que les enfants. Pour la suite de notre voyage, nous avons découvert les chutes d’Iguaçu, à la frontière de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay : un moment magique ! Puis nous avons visité Buenos Aires, le quartier de la Boca plein de couleurs, le tango… Un projet, un voyage inoubliable, des paysages grandioses, de forts moments d’amitié ! Merci à tous ceux qui m’ont permis de vivre cela. notre équipe avec les ponchos de Salta La troisième année, nous accueillons Martin, un des argentins qui nous avaient accueillis l’année précédente. Pendant quelques jours nous visitons Paris, et notamment la tour Eiffel où nous montons par les escaliers les 1665 marches jusqu’au deuxième étage ! Puis, nous partons deux semaines en Normandie, faire un camp itinérant en vélo, de St Malo à Cauville, pour partager une semaine avec le communauté d’Emmaüs du Havre. Même sous la pluie et le vent, je tiens la route (sauf une journée où je suis crevée avant d’arrivée à la fin de notre étape : avec Aurélie, je prends un taxi pour pouvoir me reposer toute la fin d’après midi en attendant les autres.) Vélo sous la pluie Nos vacances en famille ne sont plus restreintes à la mer. Je découvre les montagnes françaises. En été, nous faisons de grandes balades autour de Beaufort. Parfois on aperçoit le Mont-Blanc. En hiver, j’essaye le ski, mais ce n’est pas très concluant et je n’ai pas envie de persévérer : je préfère les balades en raquette, on peut aller n’importe où même si ce n’est pas damné, prendre des petits sentiers loin de la foule des pistes, voir de nouveaux paysages et écouter le silence… le rêve ! sur les chemin de montagne avec Gaëlle et dans la neige avec papy Mais cela ne nous empêche pas de revenir, en Bretagne, qui a beaucoup de charme, avec ses sentiers côtiers, ses rochers, ses menhirs, ses danses folkloriques, ses crêpes, ses crustacés et fruits de mer et ses couchers de soleil ! de gauche à droite, Gaëlle, Olivier, moi et Cyril Texte de Nadège - Graphisme et mise en page ©DAUMAL Christian© |
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